Voilà que nous sommes en novembre et je me demande où est passée l’année. Alors qu’il me semble que ce n’est qu’hier qu’a eu lieu la dernière réunion en personne du conseil du Centre, soit le 10 mars, j’ai aussi l’impression qu’elle s’est déroulée il y des millénaires. Ce jour-là, nous avions parlé de la pandémie à COVID-19 comme d’une chose irréelle, éloignée. Nous pensions que notre grand événement annuel, notre Symposium sur la salubrité alimentaire prévu pour la fin mai, aurait quand même lieu. À peine 48 heures plus tard, les membres de la haute direction se sont réunis et ont déterminé que ceux d’entre nous qui n’avaient pas besoin d’être sur place travailleraient de la maison jusqu’à nouvel ordre et que tous les événements à suivre allaient être reportés.
Mars, avril et mai sont flous dans mon esprit. Avant la pandémie, plus de 4,4 millions de Canadiens étaient confrontés à l’insécurité alimentaire. Alors que bon nombre d’entre nous avons magasiné dans un état de panique et vidé les magasins de leurs réserves de papier hygiénique, de pâtes et de farine, au cours de ces premières semaines, les gens qui luttaient déjà se demandaient vers où se tourner. Je ne peux qu’imaginer l’anxiété accrue et le stress auxquels ils ont dû faire face. En mai, les données de StatCan indiquaient que l’insécurité alimentaire avait augmenté de 10,5 % à 14,6 % des ménages canadiens. En quelques mois, la COVID avait entraîné une augmentation de 39 % en ménages qui éprouvaient l’insécurité alimentaire!
Mon travail m’éloigne un peu des premières lignes, mais je suis continuellement inspirée par les histoires que j’entends dans notre réseau de partenaires. Des organismes qui n’avaient pas collaboré auparavant trouvaient des moyens de travailler de concert afin de trouver les gens qui luttaient pour alimenter leurs familles. Par exemple, par le biais d’un partenariat entre la banque alimentaire Daily Bread Food Bank et la Toronto Public Library, des camions de la bibliothèque recueillaient des aliments et les livraient aux bibliothèques où les bibliothécaires pouvaient les trier et préparer des corbeilles de denrées alimentaires. Parlez-moi de ça; elles ont vraiment quitté les sentiers battus!
Nous avons travaillé avec nos partenaires afin d’inciter le gouvernement fédéral à offrir un soutien supplémentaire et nous avons également augmenté nos propres contributions. Il existait un besoin critique de renforcer le soutien en secours alimentaires au-delà des secours fournis par les programmes de soutien du revenu comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU).
À la fête de la Reine, il me semble que nous nous étions habitués à cette étrange « nouvelle normalité » ou tout au moins, la panique immédiate s’était estompée et nous avions tous adopté un modèle qui nous permettait d’accomplir notre travail. Puis la mort tragique de George Floyd et Regis Kochinski-Paquet. Ceci a (de nouveau) éclairé le fait du racisme structurel qui existe non seulement aux É.-U., mais également ici au Canada, et nous a fait beaucoup réfléchir. Comme beaucoup d’autres chez Maple Leaf, j’ai été impressionnée par la transparence et la vulnérabilité que nos collègues ont partagées dans des discussions hebdomadaires organisées par l’un de nos groupes de ressources pour employés portant sur les races et le racisme. J’espère que ce travail important continuera et qu’il en ressortira des changements. Je me suis engagée à poursuivre ce travail, à mon poste au Centre et hors du Centre.
Au Centre, nous sommes aux prises avec la réalité que les ménages noirs et autochtones sont confrontés à des taux d’insécurité alimentaire qui sont au moins 2,5 fois supérieurs à ceux des ménages blancs. Les taux d’insécurité alimentaire dans les réserves des Premières Nations s’approchent des 50 % et 38 % des enfants noirs au Canada sont touchés par l’insécurité alimentaire. Il ne s’agit pas seulement d’un problème alimentaire mais aussi d’une question de justice sociale. Nous continuons d’acquérir des connaissances de partenaires comme FoodShare Toronto qui utilisent un prisme d’équité afin de faire progresser la sécurité alimentaire pour tous et en participant en tant que membres de la Northern Manitoba Food, Culture and Community Collaborative afin de nous efforcer de décaler la manière dont les fonds de bienfaisance sont dépensés.
L’été est passé, puis l’automne nous a apporté la deuxième vague de COVID tant redoutée dans de nombreuses régions du Canada. Il y a bien des jours où ma seule certitude est que « ce qui va suivre » demeure incertain.
Il semble y avoir une sensibilisation accrue à l’insécurité alimentaire – presque tous les jours, il y a des articles à son sujet et elle a même été intégrée au discours du Trône à l’ouverture de la nouvelle session du parlement. Notre partenaire, Centres communautaires d’alimentation du Canada, a récemment publié « Au-delà de la faim : Les véritables répercussions de l’insécurité alimentaire ». Ce rapport nous fait part, au moyen d’histoires, de la manière dont l’insécurité alimentaire touche la vie des gens dans l’ensemble du Canada et fait part de recommandations de mesures à prendre.
Certaines des composantes au cœur du travail effectué par le Centre consistent en partage des connaissances, en collaboration et en renforcement des capacités et, à l’appui de ces éléments, nous avons récemment organisé notre première « Journée virtuelle des partenaires » (“Virtual Partner Day”). Trente-cinq organismes partenaires passés et actuels y étaient représentés et nous avons discuté des répercussions de la COVID-19, des compromis que les partenaires ont dû faire afin de répondre à l’intensification des besoins immédiats en matière de secours alimentaires d’urgence et d’une présentation sur le racisme anti-Noirs et l’insécurité alimentaire.
Au cours des derniers mois, nous avons vécu avec cette incertitude et en même temps, nous avons essayé de nous concentrer sur notre vision et nos travaux à plus long terme. Nous croyons que dans un pays aussi fortuné que le Canada, il devrait être entièrement réalisable de réduire l’insécurité alimentaire de 50 % d’ici 2030. Quatre années après la fondation du Centre, nous en avons beaucoup appris et nous œuvrons, avec notre conseil, à l’élaboration d’un plan stratégique qui façonnera notre travail au cours des années à venir. Malgré le fait que nous n’avons pas toutes les réponses, nous continuerons à collaborer avec des partenaires multisectoriels afin d’apprendre et de faire progresser les changements.
Entre-temps, les organismes dans l’ensemble du secteur de la sécurité alimentaire continuent à travailler à la vitesse supérieure. Ils sont aux prises avec des problèmes de ressources. L’ensemble des communautés ont des besoins urgents. Si vous le pouvez, nous vous prions d’envisager de faire un don en argent à l’un de nos partenaires ou à un organisme de sécurité alimentaire de votre communauté. Et envisagez de communiquer avec votre représentant gouvernemental local au sujet de changements durables à long terme afin que plus personne ne soit obligé de se fier à la charité pour avoir accès aux aliments dont ils ont besoin.
En songeant à la fin de l’année, je me suis mise à chercher les côtés positifs et à penser à ce qui pourrait être possible. Comment pouvons-nous renforcer les nouveaux partenariats qui se sont formés? Peut-on tirer parti de ce moment où le public et les politiciens portent davantage attention aux plus vulnérables de notre société? Comment pouvons-nous faire en sorte que tout le monde ait un accès équitable aux bons aliments?
Ce sont toutes de grandes questions, mais la vision du possible offrirait un monde meilleur pour tout le monde au Canada. Et je suis dynamisée tous les jours par cette pensée.