Nous devons accélérer les mesures prises pour réduire l’insécurité alimentaire au Canada.
Par Sarah Stern, directrice du Centre de Maple Leaf pour la sécurité alimentaire
Le 18 octobre, nous avons présenté notre Symposium annuel sur la sécurité alimentaire accueillant des participants de partout au pays. Ce troisième symposium annuel avait d’abord été prévu pour mai 2020 et ce fut l’un des premiers événements que nous avons annulés en raison de l’apparition de la pandémie à COVID-19 en mars 2020. Jamais je n’aurais pensé qu’il nous faudrait reporter cette rencontre de deux ans et demi.
Il s’est produit beaucoup de choses pendant cette période. Il y avait une prise de conscience grandissante de l’insécurité alimentaire et des choix impossibles auxquels trop de personnes doivent faire face pour accéder à la nourriture. Et la triste réalité, c’est que l’insécurité alimentaire s’aggrave. Avant le début de la COVID, les banques alimentaires Daily Bread Food Bank accordaient leur soutien chaque mois à environ 60 000 personnes. Le mois dernier, après seulement deux ans et demi, 182 000 clients ont recours à leurs services. Et elles inscrivent de nouveaux clients à un rythme encore jamais vu. Le mois dernier, près de 9 000 familles se sont inscrites pour utiliser leurs banques alimentaires pour la toute première fois.
Nous savons que seulement environ un quart des personnes confrontées à l’insécurité alimentaire vont aux banques alimentaires — mais les visites aux banques alimentaires sont un indicateur précurseur qui suggère que les chiffres sont à la hausse.
Le symposium a rassemblé plus de 130 personnes de divers secteurs pour échanger et explorer ce que nous pouvons faire pour accélérer les mesures prises pour réduire l’insécurité alimentaire au Canada.
Une perspective mondiale sur l’insécurité alimentaire
Nous avons démarré la journée avec le docteur David Nabarro, ancien conseiller spécial de l’ONU sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les changements climatiques et cochef du champ de travail du Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière des Nations Unies, qui nous a offert une perspective mondiale. Il a parlé des travaux en cours à la suite du Sommet sur les systèmes alimentaires de l’ONU et a souligné que nous devons veiller sur ceux qui sont pauvres et qui ont faim — ils ont le plus besoin de notre soutien.
Il a ensuite mis l’accent sur le Canada : « Il s’agit d’une nation qui prend à cœur de n’oublier personne — c’est l’essence même des Canadiens, a affirmé David. Des millions de ménages plus pauvres risquent de sombrer dans la pauvreté en raison de la hausse du coût de la vie et de la réduction du pouvoir d’achat. »
La crise du coût de la vie est devenue un thème récurrent du jour — dans un monde où la valeur des produits et des nécessités monte en flèche, nombreux sont ceux qui perdent du terrain, particulièrement ceux qui vivent près du seuil de pauvreté ou en dessous. Trop de gens sont forcés de décider s’ils mangent ou s’ils paient les factures.
Confronter les obstacles à la sécurité alimentaire
De nombreuses choses font obstacle à l’accès aux aliments nutritifs et culturellement appropriés. Le manque d’argent pour acheter de la nourriture est la principale cause de l’insécurité alimentaire et il peut découler d’un revenu insuffisant ou instable, des obstacles à l’emploi ou du coût élevé de la vie. L’insécurité alimentaire peut aussi s’ensuivre de l’isolement géographique, de l’état de santé, de l’accès aux soutiens sociaux ou aux connaissances et du racisme structurel. Notre objectif était d’offrir à l’auditoire des données de base sur l’expérience des obstacles à la sécurité alimentaire et les soutiens qui aident à confronter ces obstacles. La modératrice Jaya James, la directrice générale de Hope House, était accompagnée des invités Erin Beagle, directrice de Roots Community Food Centre, Rafia Haniff-Cleofas, directrice nationale de Race and Disability Canada et Gordie Liske, chasseur et trappeur au Dechinta Centre for Research and Learning.
Dans sa réflexion d’ouverture, Jaya a fait la remarque que « Si vous vous concentrez sur l’obtention des nécessités, il ne reste pas tellement d’énergie pour penser à la nourriture, » pour les personnes qui vivent dans des ménages souffrant d’insécurité alimentaire qui luttent pour survivre. Et en dépit d’avoir un emploi, « un travail n’est parfois pas suffisant, a dit Erin. Les pressions que vivent les personnes avec lesquelles nous travaillons les tirent dans différentes directions. »
Gordie a partagé cette possibilité et des défis d’avoir accès aux aliments prélevés de la nature et Rafia a raconté des histoires et fait part des statistiques consternantes liées à la vie avec des handicaps; « Près d’un quart des personnes handicapées vivent dans la pauvreté, c’est-à-dire environ 1,5 million de personnes, selon le rapport de 2017 de Statistiques Canada. Et 50 % des Canadiens qui sont aux prises avec l’insécurité alimentaire ont un handicap. »
Rafia a souligné que les obstacles pour les personnes handicapées comprennent un revenu peu élevé et une vie dans la pauvreté, des coûts élevés liés au fait d’être handicapé, l’accessibilité, le racisme et la discrimination systémique. Nous devons lutter afin de veiller à ce que les personnes handicapées puissent se nourrir chaque jour.
Les déterminants sociaux de la santé et de l’insécurité alimentaire
Dans une présentation couvrant les déterminants sociaux de la santé en lien avec l’insécurité alimentaire, le Dr Andrew Boozary, directeur général du UHN Gattuso Centre for Social Medicine, a indiqué que l’insécurité alimentaire est un problème de revenu inadéquat et ne peut être résolu avec de la nourriture.
Ce ne sont pas seulement les déterminants sociaux de la santé, ce sont les déterminants moraux de la santé, » a expliqué Andrew en parlant des problèmes sociaux en tant qu’éléments essentiels pour améliorer les résultats sur la santé.
« Pour comprendre les déterminants sociaux de la sécurité alimentaire, nous devons reconnaître les répercussions persistantes du racisme systémique et de la discrimination sur l’état de santé d’une personne. »
Restez à l’affût d’une réflexion supplémentaire sur les apprentissages et les perspectives tirés de notre Symposium sur la sécurité alimentaire!